C’est pour rire...
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Peut-être disparaîtrons-nous un jour......
Peut-être disparaîtrons-nous un jour, c'est possible, c'est probable. Les civilisations sont mortelles, nous le savons. Depuis l'antiquité, ce ne sont qu'empires engloutis, cultures détruites, éteintes, grands hommes oubliés et petites gens abandonnés. Nous avons vécu, nous avons prospéré, nous avons failli. Songeons deux secondes à notre XVIème siècle humaniste, à notre XVIIIème siècle, à cet art de vivre illustré par Watteau, Fragonard, à notre Belle Epoque d'avant 1914, et puis, à notre déclin. Je dis "notre" car, que l'on soit Français de longue date ou de fraîche date, nous embrassons l'histoire, elle fait partie de ce mot "français" dès qu'on se dit Français et peu importe les croyances ou les couleurs. Dans cent ans, deux cents, trois cents, l'Europe sera une, totalement unifiée, peut-être, ou dissoute dans une vaste entité russo-chinoise si, bien sûr, le réchauffement climatique nous laisse un peu d'air frais. Ou, peut-être, serons-nous perdus au sein d'une autre culture venue du sud, d'Afrique, du Moyen Orient. C'est possible, c'est le mouvement de l'histoire et personne ne peut s'y opposer. C'est la "tectonique" des époques qui bougent, s'enchevêtrent, se superposent.
Mais avant que tout cela arrive, il se sera écoulé du temps, nous aurons le recul pour apprécier le chemin et nous dire que le futur sera fait de notre présent. Car nous ne voulons pas disparaître du jour au lendemain sous les attentats et la bêtise ignare. Si nous disparaissons, nous voulons laisser ce que nous sommes, des démocrates, des tolérants, des libres penseurs, des gens épris de spiritualité et de sagesse, des gens raffinés qui aimons l'esthétique et qui avons le sens des nuances, oh! le sens des nuances..... un idéal.
Avant de disparaître, nous nous battrons pour des idées comme l'ont fait de grands martyrs. Nous ne sommes pas des martyrs (en aurais-je même le courage? puis-je même me poser la question? C'est déjà une offense à ceux qui ont donné leur vie) Qu'on nous laisse le temps de nous éteindre pour laisser notre héritage, comme un vieil homme ou une vieille femme qui meurt au milieu des siens. Nous avons encore tant de choses à faire sur cette terre. C'est pour ce temps dont nous avons besoin pour être encore heureux, non, pour chercher à être heureux qu'il faut affirmer ce que nous sommes, des humains faibles, égoistes, jaloux, tristes, mais des humains qui ont appris au bout de deux mille ans le prix de la vie.
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"L'impromptu de la librairie" pour Amélie Nothomb
« L’impromptu de la librairie » par JB Manuel
réunissant quelques uns des épistoliers les plus célèbres
à l’occasion de la venue d’Amélie Nothomb à la Librairie « Comme un roman », à Chatou pour son ouvrage Une Forme de vie, autofiction épistolaire
Madame de Sévigné : Si je vous dis que j’habite le château de Grignan et que je passe le plus clair de mon temps à écrire à ma fille Françoise, Françoise de Sévigné, vous m’aurez devinée, Madame de Sévigné, pour vous plaire. Oui je sais, j’ai quelques traits un peu vieux, un peu masculins ? Ah… mais souvenez-vous qu’à mon âge, vous tous, vous n’en vaudrez guère mieux, c’est ce que me disait Corneille en me faisant sauter sur ses genoux… Bon, je prends la parole avant mes camarades écrivains épistoliers car, sans fausse modestie, la postérité m’a érigée papesse de la correspondance. Je suis dans les Petits Classiques Larousse !
Voltaire : Mais j’y suis aussi, et en bonne part ! Ne vous déplaise chère Sévigné, moi, François-Marie Arouet, plus connu sous le nom de Voltaire, j’ai, à mon actif, plus de 23000 lettres que j’ai semées dans toute l’Europe. Artémon de Cassendreia, le plus ancien théoricien de l’art épistolaire avait, heureusement pour nous autres épistoliers, plus de vertus et de dents que tous les prophètes car un prophète édenté n’est pas écouté avec le respect qu’on lui doit. Et vous, Flaubert…
Flaubert : Des tonnes ! Des tonnes de lettres que j’ai écrites ! Comptez mes volumes dans la Pléiade ! Mais, je ne remonte pas à Mathusalem, ou alors à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar. En tout cas, si vous voulez mon avis, si nous sommes encore là après toutes ces années, c’est grâce à la forme, la forme, d’ailleurs le livre de Mademoiselle ne s’appelle-t-il pas « Forme de vie » ? Qu’en pensez-vous Proust ?
Proust : Gustave, je vous admire mais le nombre de lettres ne fait rien à l’affaire. Moi aussi, j’ai quantité de lettres signées Marcel, Marcel Proust. Pour l’occasion, exceptionnellement, je me suis couché tard pour lire ce livre d’Amélie… Amélie, Albertine, noms de femmes, noms de fleurs, noms de pays. Quel lien secret se tisse entre la plume et les noms lorsqu’on écrit une lettre ? L’imagination ou le souvenir remplit entièrement la conscience.
Sévigné : Messieurs, nous accueillons comme il se doit une jeune romancière qui déclare elle-même : « Je suis épistolière depuis bien plus longtemps que je ne suis écrivain ». Voilà qui ne pouvait que satisfaire notre plaisir.
Voltaire : Je tire le premier. En lisant les aventures militaro-gastronomiques de ce soldat natif des anciennes colonies anglaises perdu dans les sables de l’Orient qui nous a enseigné les bonnes façons de manger, j’en veux pour preuve les fameuses tartines d’Ezéchiel, confectionnées avec de la bouse de vaches, je m’émerveillais de la fantaisie de l’auteur. Avec elle, on se divertit de tout, on ne s’ennuie de rien. Un récit comme le sien vaut bien tous les traités de nos honnêtes philosophes.
Flaubert : Je suis d’accord Voltaire. Ton credo est mien : tous les genres sont bons sauf le genre ennuyeux. Cette Amélie Nothomb, quel talent, bon sang, quel talent ! Généralement c’est ce que je me dis en me lisant, mais j’ai fait une exception. Dans ses lettres, on a l’impression de voir vraiment ce personnage « hénaurme » sous les yeux. Hein, j’exagère ?
Proust : Pas du tout Flaubert, pas du tout, d’ailleurs, l’image qu’on se fait de son destinataire est parfois plus belle que la réalité. J’évoquais dans mes « jeunes filles en fleurs », un écrivain , Bergotte, je l’imaginais sous les traits d’un Victor Hugo tout blanc de barbe, affable, un sourire de sage…et puis lorsque je le vis pour la première fois, il me fit l’impression d’un petit gratte-papier tout étriqué sorti d’un petit bureau d’une obscure administration. Quelle déception…
Sévigné : Mais ma lettre est un miroir. Je sais, mon style en est négligé et je n’ai pas le temps de relire aussi mes lecteurs me font la grâce de ne pas me reprocher mes fautes d’orthographe, mais enfin, n’est-pas là me voir au naturel ? Ces lettres ne sont que le reflet de ma personnalité et je m’y confie, sans fard. Je parle des autres pour parler de moi, manque de bienséance pour un auteur classique ?
Voltaire : Marquise, pas de principes jansénistes ou je fourbis mes armes afin d’écraser l’ infâme religion !
Sévigné : Comme vous voulez. Dans mes lettres, je suis loin de mes interlocuteurs et proche à la fois, n’est-ce-pas cela un écrivain ? C’est bien la question que pose dans le livre de Mademoiselle Nothomb, Monsieur Mapples ?
Proust : D’où l’idée qu’il n’est pas bon de rencontrer les écrivains !
Voltaire : A ce compte, pas de signature à la Librairie Comme un roman !
Flaubert : Question : faut-il rencontrer ses lecteurs ? Pas davantage ! L’Art, mes enfants, n’est-il pas d’être absolument soi-même ? C’est pas de moi, c’est du Verlaine. Je mets des siècles à être moi-même dans mes romans, et je suis moi, direct, tout craché, dans mes lettres.
Proust : Bien sûr, tout se dit dans les mots, peu importe l’apparence et acceptons même le mensonge comme une part de nous-mêmes. Laissons à nos souvenirs et à notre imagination le bénéfice du doute et considérons que la vérité des êtres se dévoilera un jour ou l’autre, dans toute leur ampleur au détour d’une petite madeleine ou d’une tasse de thé, ou d’un hangar à pneus, le moment venu. L’écriture des lettres demande de la patience.
Sévigné : Quoiqu’il en soit, ce dernier ouvrage de Mademoiselle Nothomb célèbre la grandeur et la servitude de l’échange épistolaire et je voudrais son talent de la description pour approcher avec simplicité son personnage qui est, c’est le cas de le dire, un personnage à croquer.
Proust : J’en dirai quelques mots à maman. … Je retiens de ce livre que nous devons avoir une conscience encore plus aigue de notre esprit afin qu’il ne se croit pas dérivé de notre corps.
Voltaire : Mademoiselle, venez nous rendre visite à Ferney, Madame du Châtelet est plongée dans sa lecture de Newton, avec vous je suis sûr que nous aurons plus de fantaisie !
Flaubert : Un océan de fantaisie ! J’exagère ? (acquiescement des autres). Et bien, comme il est d’usage en fin de lettre, nous vous adressons, cher Amélie Nothomb, nos vifs remerciements pour votre présence ici,
Sévigné : ….. veuillez agréer
Voltaire :…. l’expression
Proust :…de notre sincère gratitude.
Tous : Bien à vous, François-Marie, Marie-Chantal, Marcel, Gustave.
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Autour d'un livre "culte": le Neveu de Rameau de Diderot.
En se promenant du côté des jardins du Palais-Royal, on peut suivre les pas d’un des philosophes les plus attachants du XVIIIème siècle. Les idées nouvelles du siècle, les fameuses Lumières, percent dans les salons littéraires à la mode et dans les cafés où se retrouvent les Rousseau, les d’Holbach, les d’Alembert et au milieu d’eux, un personnage se moquant de beaucoup de choses et, en particulier, de la religion. Il s’appelle Denis Diderot.
Dans ces années 1760, on peut le rencontrer au Café de la Régence, au Palais-Royal. C’est l’endroit où se croisent artistes, écrivains, philosophes, renommés ou obscurs, de grand talent ou parasites d’une société qui s’ouvre au monde, qui se jette dans les plaisirs, insouciante et florissante. Nous sommes sous le règne de Louis XV.
Un philosophe, qui pourrait bien être Diderot, ou son double, est là, tranquillement assis, observant des joueurs d’échecs, laissant vagabonder ses idées, ne s’attachant à aucune d’elles en particulier, libertinage d’esprit qui flirt d’une pensée à une autre.
Cette méditation est interrompue par un être singulier.
“Ah! ah! vous voilà, monsieur le philosophe; et que faites-vous ici parmi ce tas de fainéants?”
C’est la voix d’un de ses parasites qui vivent aux crochets des autres, dont le seul projet est de savoir où il mangera et où il dormira.
C’est la voix de Jean-François Rameau, le neveu de Jean-Philippe Rameau, le grand compositeur. Quand on le regarde, on se dit que le talent n’est pas héréditaire. Non pas que ce neveu soit sans qualités, il en possède, et d’étranges et d’amusantes mais, ce qui frappe en lui, c’est d’abord une folie extravagante, provocante, qui explose et qui recouvre ses bons sentiments, son sens de l’honneur, sa morale. Il contredit, critique, ironise tout ce que nous révérons et croyons comme vérité absolue.
Les premiers mots de la conversation qui s’engage entre Moi, c’est-à-dire, le philosophe, et Lui, le neveu, donnent le ton: “... les gens de génie... Ils ne sont bons qu’à une chose; passé cela, rien”.
Ainsi pense le neveu lorsqu’il évoque son oncle, le grand Rameau: “Il ne pense qu’à lui... sa fille et sa femme n’ont qu’à mourir quand elles voudront”. L’important, c’est que les cloches de la paroisse soient bien accordées.
Les hommes de génie sont des monstres d’égoisme. Racine, par exemple, il était fourbe, ambitieux, méchant. Bien sûr, il est l’auteur d’Andromaque, de Bérénice, les plus belles tragédies jamais écrites. Que vaut-il mieux? Etre un bon père, un bon mari, un bon voisin, et rien de plus, ou être comme Racine? Le neveu, opte pour la première solution, le philosophe, pour la deuxième.
Il faut dire que Rameau est un aigri. Son oncle a relancé l’opéra français, c’est l’auteur des Indes galantes, il en est jaloux. C’est pourquoi, lui, le médiocre, le raté, fustige les hommes de génie. Oui, il voudrait être différent, oui, il se verrait bien admiré, riche, sollicité, mais c’est un rêve, alors, tout ce qui dégrade un homme de génie, le remplit d’aise.
C’est un homme sans illusions à la souffrance discrète: “Moi, pauvre hère, lorsque le soir j’ai regagné mon grenier et que je me suis fourré dans mon grabat, et suis ratatiné sous ma couverture, j’ai la poitrine étroite et la respiration gênée: c’est une espèce de plainte faible qu’on entend à peine”.
En matière d’éducation, le neveu considère que les connaissances sont inutiles! Au philosophe, qui se récrie et qui souhaite donner à sa fille une bonne éducation, Rameau répond: “Eh!, laissez-la déraisonner... laissez-la pleurer, souffrir, minauder... pourvu qu’elle soit jolie, amusante et coquette”. La raison? c’est qu’il faut une vie pour commencer seulement à appréhender le savoir vers lequel on se destine. Un exemple? son oncle, le musicien, il a mis quarante ans avant d’entrevoir les termes de sa théorie musicale. Voilà ce que pense le neveu.
Et il en sait quelque chose! ce neveu, car il a enseigné l’accompagnement au piano sans en savoir rien du tout. Mais comment faisiez-vous? demande le philosophe. Une bonne partie de l’heure était bavardages et commérages avec la mère de son élève. On parlait du jeu de tel ou tel acteur, de la nouvelle maîtresse d’untel, puis, enfin...
Extrait 1: « Elle se mettait à son clavecin. D’abord elle y faisait du bruit, toute seule. Ensuite, je m’approchais, après avoir fait à la mère un signe d’approbation. La mère : « Cela ne va pas mal ; on n’aurait qu’à vouloir ; mais on ne veut pas. On aime mieux perdre son temps à jaser, à chiffonner, à courir, à je ne sais quoi. Vous n’êtes pas sitôt parti que le livre est fermé, pour ne le rouvrir qu’à votre retour. Aussi vous ne la grondez jamais… »
Cependant comme il fallait faire quelque chose, je lui prenais les mains que je lui plaçais autrement. Je me dépitais. le criais « Sol, sol, sol ; Mademoiselle, c’est un sol. » La mère : « Mademoiselle, est-ce que vous n’avez point d’oreille ? Moi qui ne suis pas au clavecin, et qui ne vois pas sur votre livre, je sens qu’il faut un sol. Vous donnez une peine infinie à Monsieur. Je ne conçois pas sa patience. Vous ne retenez rien de ce qu’il vous dit. Vous n’avancez point… » Alors je rabattais un peu les coups, et hochant de la tête, je disais, « Pardonnez-moi, Madame, pardonnez-moi. Cela pourrait aller mieux, si Mademoiselle voulait ; si elle étudiait un peu ; mais cela ne va pas mal. » La mère : « A votre place, je la tiendrais un an sur la même pièce. – Oh pour cela, elle n’en sortira pas qu’elle ne soit au-dessus de toutes les difficultés ; et cela ne sera pas si long que Madame le croit. » La mère : « Monsieur Rameau, vous la flattez ; vous êtes trop bon. Voilà de sa leçon la seule chose qu’elle retiendra et qu’elle saura bien me répéter dans l’occasion. »– L’heure se passait. Mon écolière me présentait le petit cachet, avec la grâce du bras et la révérence qu’elle avait apprise du maître à danser. Je le mettais dans ma poche, pendant que la mère disait : « Fort bien, Mademoiselle. Si Javillier était là, il vous applaudirait. » Je bavardais encore un moment par bienséance ; je disparaissais ensuite, et voilà ce qu’on appelait alors une leçon d’accompagnement ».
On peut rire de ce spectacle. Rameau est le premier à se moquer de lui-même. Il dit les choses comme elles viennent; “sensées, tant mieux; impertinentes, on n’y prend pas garde”. Mais à y regarder de plus près, que voit-on? Des ruses, partout. On croit l’ordre des choses immuable, on croit en une conscience générale, comme il existe une grammaire générale, on suppose qu’il existe une morale à laquelle chacun adhère, mais, en réalité, ce qui serait bizarre et maladroit, ce serait de se conformer à cette morale, pour la simple raison que tout le monde y fait des entorses, à cette morale, à cet ordre des choses.
On appelle idiotismes, les exceptions grammaticales que possèdent une langue, et bien, il en est de même pour les gens, chacun use d’idiotismes dans son métier, dans sa déontologie: ce sont les idiotismes moraux.
Loin de nous apparaître scandaleux, Rameau ne fait que dire tout haut ce que nous pensons et faisons tout bas. Il défend la morale du faible, du rejeté, de l’homme que la société ne laisse pas s’épanouir, et s’il force le trait, il laisse percevoir ce qu’il y a d’injuste dans ces rapports de force entre nantis, nobles et homme du peuple.
Le neveu brocarde tout ce que le philosophe peut tenir comme sacré. Tenez, l’amour! un bon exemple. Poussons le raisonnement jusqu’au bout. Quand on est un gueux, comme lui, il y a tant d’impostures qu’on peut faire pour gagner quelques sous! Jouer les proxénètes, faire en sorte de corrompre une fille de bourgeois et de la mettre dans les mains d’un jeune homme peu scrupuleux en lui faisant miroiter des robes à dentelles et des boucles de diamants! Tout est permis à celui qui n’a rien.
Le philosophe est outré, mais, trois choses sauvent le neveu de la bassesse totale: premièrement, il est d’un franchise absolue, deuxièmement, ses idées, choquantes, n’en sont pas moins justes, et enfin, il est drôle car c’est un comédien né, ou plutôt, il joue la pantomime à merveille et fait jaillir des éclats de rire en mimant ceux et celles qu’il caricature.
Le philosophe n’est pas sans répartie, lui aussi, il défend sa morale, celle de l’honneur, du sens des responsabilités. Contrairement à ce que pourrait penser Rameau, pour être un philosophe, on n’en est pas moins homme, qui a ses désirs et ses plaisirs, mais, il y a autre chose, de plus haut, de plus grand à défendre que son propre salut, que sa propre personne...
Extrait 2: Moi: « Je ne méprise pas les plaisirs des sens ; j'ai un palais aussi, et il est flatté d'un mets délicat, ou d'un vin délicieux ; j'ai un cœur et des yeux ; et j'aime à voir une jolie femme. J'aime à sentir sous ma main la fermeté et là rondeur de sa gorge ; à presser ses lèvres des miennes ; à puiser la volupté dans ses regards, et à en expirer entre ses bras. Quelquefois avec mes amis, une partie de débauche, même un peu tumultueuse, ne me déplaît pas. Mais je ne vous dissimulerai pas, il m'est infiniment plus doux encore d'avoir secouru le malheureux, d'avoir terminé une affaire épineuse, donné un conseil salutaire, fait une lecture agréable ; une promenade avec un homme ou une femme chère à mon cœur ; passé quelques heures instructives avec mes enfants, écrit une bonne page, rempli les devoirs de mon état ; dit à celle que j'aime quelques choses tendres et douces qui amènent ses bras autour de mon col. Je connais telle action que je voudrais avoir faite pour tout ce que je possède. C'est un sublime ouvrage que Mahomet ; j'aimerais mieux avoir réhabilité la mémoire des Calas. Un homme de ma connaissance s'était réfugié à Carthagène. C'était un cadet de famille, dans un pays où la coutume transfère tout le bien aux aînés. Là il apprend que son aîné, enfant gâté, après avoir dépouillé son père et sa mère, trop faciles, de tout ce qu'ils possédaient, les avait expulsés de leur château, et que les bons vieillards languissaient indigents, dans une petite ville de la province. Que fait alors ce cadet qui, traité durement par ses parents, était allé tenter la fortune au loin, il leur envoie des secours ; il se hâte d'arranger ses affaires. Il revient opulent. Il ramène son père et sa mère dans leur domicile. Il marie ses sœurs. Ah, mon cher Rameau ; cet homme regardait cet intervalle, comme le plus heureux de sa vie. »
Rameau écoute ce discours avec un air ironique, ainsi, on peut être heureux en faisant une bonne action! Honnêteté égale bonheur! Si l’en est ainsi, pourquoi y a-t-il des gens heureux malhonnêtes et des gens honnêtes, malheureux? Rameau prend son propre exemple.
Il avait trouvé des gens qui l’avaient accueilli chez eux à cause de ses qualités. Pas celles qu’on pense, non, mais pour ce que Rameau se vantait d’être: ignorant, fou, paresseux: raisons pour divertir une société de gens bien, aux dépens d’un pauvre bougre, qui fait office de bouffon du roi. C’est chez le banquier Bertin que le neveu avait sa place d’amuseur professionnel. Il amusait cette galerie par ses pitreries. En échange, il avait le gîte et le couvert, on s’occupait de lui, comme mademoiselle Hus, la maîtresse de Bertin s’occupait de Micou et Criquette, ses deux chats. Rameau n’est pas traité différemment que les animaux domestiques: on lui fait un sourire, on lui donne une caresse, ou un soufflet, un coup de pied, et à table, on lui jette un morceau de viande dans son assiette. Un jour, Rameau voulut avoir un peu d’esprit, changer de rôle, passer pour intelligent et raisonneur. Mais “Monsieur” ne rit pas. La saillie de Rameau passa pour une offense et la chose fut si mal prise qu’on le jeta à la rue. Il avait dérogé. Un bouffon reste un bouffon.
La critique contre certains cercles mondains est virulente, en particulier, contre certains auteurs, comme Palissot, qui dans sa pièce, les Philosophes, s’en prenait violemment aux Lumières. C’était d’ailleurs l’origine du livre.
De l’actualité anecdotique, Diderot a vu tout le parti qu’il pouvait tirer d’un personnage si haut en couleurs, que le neveu devint le contempteur d’une société corrompue. Et comme le porte-voix de son auteur.
La société impose des rôles dont le masque est parfois impossible à ôter. Ce rôle est celui du serviteur. Tout homme doit en servir un autre, quel que soit son rang, son statut. Sur ce point, le philosophe et le neveu se rejoignent. Cette philosophie, Rameau, philosophe en haillons, l’a comprise et l’a si bien assimilée qu’il peut la jouer, la mimer, un talent dont il ne se prive pas, sa nature est comédienne, et on comprend pourquoi l’adaptation théâtrale avec Pierre Fresnay interprétant le neveu fut un succès...
Extrait 3 : « Puis il se met à sourire, à contrefaire l’homme admirateur, l’homme suppliant, l’homme complaisant ; il a le pied droit en avant, le gauche en arrière, le dos courbé, la tête relevée, le regard comme attaché sur d’autres yeux, la bouche entrouverte, les bras portés vers quelque objet ; il attend un ordre, il le reçoit ; il part comme un trait ; il revient, il est exécuté ; il en rend compte. Il est attentif à tout ; il ramasse ce qui tombe ; il place un oreiller ou un tabouret sous des pieds ; il tient une soucoupe, il approche une chaise, il ouvre une porte ; il ferme une fenêtre ; il tire des rideaux ; il observe le maître et la maîtresse ; il est immobile, les bras pendants ; les jambes parallèles ; il écoute ; il cherche à lire sur des visages ; et il ajoute : Voilà ma pantomime, à peu près la même que celle des flatteurs, des courtisans, des valets et des gueux.
Les folies de cet homme, les contes de l’abbé Galiani, les extravagances de Rabelais, m’ont quelquefois fait rêver profondément. Ce sont trois magasins où je me suis pourvu de masques ridicules que je place sur le visage des plus graves personnages ; et je vois Pantalon dans un prélat, un satyre dans un président, un pourceau dans un cénobite, une autruche dans un ministre, une oie dans son premier commis.
MOI. – Mais à votre compte, dis-je à mon homme, il y a bien des gueux dans ce monde-ci ; et je ne connais personne qui ne sache quelques pas de votre danse.
LUI. – Vous avez raison. Il n’y a dans tout un royaume qu’un homme qui marche. C’est le souverain. Tout le reste prend des positions.
MOI. – Le souverain ? encore y a-t-il quelque chose à dire ? Et croyez-vous qu’il ne se trouve pas, de temps en temps, à côté de lui, un petit pied, un petit chignon, un petit nez qui lui fasse faire un peu de la pantomime ? Quiconque a besoin d’un autre, est indigent et prend une position. Le roi prend une position devant sa maîtresse et devant Dieu ; il fait son pas de pantomime. Le ministre fait le pas de courtisan, de flatteur, de valet ou de gueux devant son roi. La foule des ambitieux danse vos positions, en cent manières plus viles les unes que les autres, devant le ministre. L’abbé de condition en rabat, et en manteau long, au moins une fois la semaine, devant le dépositaire de la feuille des bénéfices. Ma foi, ce que vous appelez la pantomime des gueux, est le grand branle de la terre. Chacun a sa petite Hus et son Bertin.
LUI. – Cela me console. »
Et si ce personnage extravagant n’était qu’une seule et même personne? Ou plus exactement, deux facettes, bien distinctes d’un même homme. Cet entretien n’a jamais eu lieu, le texte n’a, d’ailleurs, paru en France qu’en 1821. Mais Diderot l’a porté longtemps en lui, et une publication de son vivant lui paraissait dangereuse tant la critique est acerbe et vise des personnes très en vue à l’époque, jusqu’au roi, bien sûr.
Dans ces années 1760, Diderot est occupé à achever l’Encyclopédie, monument d’érudition, porteuse d’idées neuves sur la politique, l’économie et la société. Sa publication n’a pas été sans mal, la censure veille et Diderot a dû se battre pour mener à bien cette oeuvre gigantesque.
A travers le Neveu de Rameau, Diderot semble avoir mis en application, de façon militante, voire subversive, sa définition du philosophe: “un homme qui s’occupe à démasquer des erreurs, décrire des vices et démontrer des vertus”.
Le neveu est à la fois immoral, et vertueux, par instant. C’est le descendant des fous du roi, dont on accepte les outrances du moment qu’elles font rire.
Et ce qui le rend attachant, c’est sa capacité à nous représenter, tels que nous sommes, funambules maladroits, essayant d’avancer sur le fil tendu de cette morale, où nous marchons et butons souvent.
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Meissonier. Lecture chez Diderot
Comme on peut s’tromper
Comme on peut s’tromper
Je découvris il y a quelques années dans une note de bas de page d’une obscure histoire de la littérature française un nom qui retint mon attention et ma curiosité. Ce nom était celui d’un écrivain né à Nantes en 1828: Ernest Hello. Dès que je lus ce nom, il m’enchanta. Un prénom aux voyelles récurrentes et ce Hello, rare patronyme qui sonnait comme un bonjour!
Je ne pris pas le temps de m’attarder sur l’oeuvre assez restreinte et méconnue d’Ernest Hello. Je sus simplement qu’il était plutôt tourné vers l’idéalisme, disciple de Denis l’Aéropagite, lecteur de Lacordaire et de Léon Bloy, et qu’il était mort dans la misère malgré le soutien sacrificiel de sa femme qui faisait, toute seule, vivre le ménage.
Ces quelques aperçus biographiques maintinrent ma curiosité pour cette vie misérable d’auteur mystique perdu dans le siècle du positivisme. Je méditai sur deux titres de son œuvre: le Style (1861) et l’Homme (1872),titres délicieusement décadents et tellement vagues.
Enfin, il me fallait lire cet auteur que j’avais en tête depuis des années et dont je ne connaissais pas une seule ligne! Quand j’y repense, je me dis que je rêvais son œuvre et que je n’avais pas besoin de la lire. J’eus donc entre les mains un ouvrage d’Hello intitulé Rusbrock l’Admirable, consacré à Rusbrock, religieux contemplatif belge du XIV ème siècle. J’ouvris les premières pages et mes yeux s’arrêtèrent sur ces mots, inspirés par la conscience du mystique belge: ...parce que Dieu est Tout et l’Etre même, l’homme est nul, néant..... le néant est la nature de l’homme.
A ces mots, je ressentis comme une déception, une attente frustrée, comme si je prenais de façon personnelle cette vision pessimiste de la condition humaine. Renonçant à poursuivre cette litanie pourfendeuse, et un peu assommante, de toute vanité humaine, je refermai le livre qui est désormais placé sur un rayon peu accessible de ma bibliothèque. Ainsi, Ernest Hello attendra longtemps encore. Je garde de lui le souvenir de son nom et du titre, pas commun, d’un livre. C’est tout, c’est suffisant. Tous les auteurs n’ont pas vocation à être lus, seulement suggérés, c’est déjà beaucoup aux yeux de la si capricieuse postérité. Et voilà comme on peut s’tromper, alors, bye bye Hello....
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Orthographe?
Ce que recouvre la "réforme" de l'orthographe:
La langue est vivante, le français a évolué depuis le latin des armées romaines aux anglicismes. Les modifications récentes sont des ajustements, La suppression de certains accents, l'alignement de "jeter" et "acheter", le trema sur le "u" de ambigue" au féminin ne sont pas des aberrations. Le mot "âme" garde son accent, c'est un "a" grave qui incarne bien ce mot plein de sens, de même dans "théâtre". L'important est de faire vivre une langue par son apprentissage au plus grand nombre, de la faire rayonner à l'étranger. Ce n'est pas céder ou entailler notre identité linguistique que de "nettoyer" certains termes. Le mot français est complexe, il garde en lui son histoire. Les mots nous entourent, nous enveloppent et modèlent nos pensées.Ce sont des êtres qu'il faut apprivoiser, en réalité ce sont eux qui nous apprivoisent. La poésie, est pour ma part, le genre que j'ai le plus fréquenté. C'est le lieu des mots, de leur son, de leur forme. Puis vient le sens. S'il me plaît d'écrire "nénuphar", comme cela, je continuerai. Le "ph", incarne la fleur qui émerge de l'eau et sa partie inférieure dissimulée au fond de l'étang. Et puis, plus tard, bien plus tard, "nénufar", car je verrai dans ce mot/fleur le fard des yeux d'une femme allongée dans l'eau. La forme! Nulle contrainte dans ces modifications. Celui qui est Français, c'est celui qui parle français. Nous qui sommes un peuple littéraire, notre langue est un patrimoine, il n'y a qu'à voir les réactions à cette "réforme". Un patrimoine doit être vivant, un musée ouvert. Notre dictionnaire est notre berceau et notre avenir, un objet d'étude et de consolation, un effacement de l'ennui, une source de joie (l'étymologie est un jardin des plaisirs). Non, la langue ne va pas bouger, elle avance, à notre insu, grâce à nous, nous tous, quelle que soit notre éducation. Le français est réputé pour sa musicalité, ses sons paisibles, sereins, doux (pardon pour l'anglais si dur, si bruyant parfois) et pour les valeurs de sociabilité qu'il véhicule, pour la pensée qu'il approfondit, la conversation qu'il enchante, l'amour qu'il égaye. L'important est de continuer à le parler dans le monde entier et que les artistes qui en sont les artisans continuent à le célébrer. Montaigne, Corneille, Hugo sont nos grammairiens. C'est pas mal comme professeurs.
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Eloge de l'enseignement
Discours prononcé le 4 juillet 2014. Le Vésinet
Le quatre Juillet est je jour de la commémoration de l'indépendance des Etats-Unis. Le quatre juillet 1848, c'est la mort de Chateaubriand, le quatre juillet 1934, mort de Marie Curie, quatre juillet 1980, mort du grammairien Maurice Grévisse. Je pourrais décliner cette date encore longtemps. Mais pourquoi?
Tout simplement parce que notre matière, le français, les lettres, la littérature repose en grande partie sur ce qui n'est plus. Nous travaillons, nous côtoyons des êtres qui ne sont plus de ce monde et à chaque fois que nous évoquons Rabelais ou Montaigne, Molière ou Racine, Verlaine ou Eluard, nous les exhumons, les ressuscitons afin de les faire vivre, revivre et chaque cours est une commémoration, une forme d'hommage que nous leur rendons. Je pense, à cette réponse de Borges à qui on demandait quels étaient ses proches amis et qui répondait, dans sa nuit aveugle, en regardant le ciel: les morts.
Oui le ciel est peuplé de ces auteurs avec lesquels nous dialoguons et, pour ma part, en analysant un poème de Baudelaire, je me demande quelquefois ce qu'il dirait en m'écoutant.
Comment transmette la vie, faire vivre ce qui n'est que de l'encre sur le papier? Comment susciter chez les élèves l'essentiel qui est le plaisir et l'amour des textes? C'est là notre grandeur et notre servitude. La littérature est un art avec ses complexités, ses nuances, ses techniques, ses ambitions, ses contradictions, ses chefs d'oeuvre, ses échecs, son histoire et nous l'enseignons. Notre public, vaste public, est composé d'élèves tout frais émoulus d'une société trop conditionnée par le résultat au détriment de l'apprentissage qui est long, ardu, heurté, pénible mais gratifiant et libérateur.
Nous enseignons donc un art avec nos moyens, nos devoirs, nos méthodes, nos textes académiques. Alors il nous faut faire naître dans les jeunes esprits le sentiment de la beauté : la délicatesse d'une césure qui vient à son rythme, la puissance d'une métaphore qui révolutionne le langage, la place précise et pertinente d'un mot, d'un petit mot dans une phrase, l'ironie précieuse, la galanterie raffinée, la tension dramatique le narrateur bienveillant, etc...etc...
Tout cela nous parait simple, visible, mais que d'efforts il faut déployer pour donner aux mots leur sens parfois multiple, pour capter l'attention et, du sentiment de la beauté, aller au sentiment de la langue.
[…]
Les sorties scolaires ? nous en avons réalisé et, à l'instar du Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre, pour combien de voyage partons-nous autour de nos classes? Combien de ciels différents avons-nous explorés, guidés par Jean de Léry, Bernardin de Saint-Pierre ou Paul Claudel ? Mais aussi, combien de milieux, milieux d'affaire, milieux populaires, sociétés d'ancien régime, sociétés féodales, sociétés capitalistes, lieux intimes, chambres, alcôves, arrière-cours, taudis, palais avons-nous visités grâce à eux, les Laclos, Balzac, Zola, Huysmans ?
Oui nous voyageons d'un texte à l'autre et nous sommes des intermédiaires, des passeurs, entre ces récits et nos élèves même si parfois d'être ce traducteur idéal, nous ressemblons davantage au poinçonneur des Lilas de Serge Gainsbourg; professeur à l'idéal enfermé dans le carré de la classe où les passagers s'arrêtent station les Halles pour s'engouffrer dans les obscurs couloirs du commerce contemporain sans apercevoir les lumières du théâtre du Chatelet, et, sous notre ciel de néon, il nous faut, non pas braver les orages, mais affronter le calme plat.
Ô combien de professeurs qui sont partis joyeux pour des cours lointains, combien ont disparu dans une classe sans fond par une après midi maussade.
Loin de nous, une nostalgie que nous réservons à Verlaine, loin de nous le désenchantement, il serait inapproprié car nous sommes privilégiés. […] Nous avons le choix de nos programmes en français et nous sommes attachés à cette liberté. C'est un privilège lié à notre matière qui est pour nous une source de motivation.
Nous espérons poursuivre dans cette voie, évoluer au gré des changements mais conserver et transmettre l'esprit de notre matière, celui-là même dont nous sommes les porte-paroles.
Quatre juillet 2014. Bon Sauveur
JB Manuel
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Compter sur ses forces
Compter sur ses forces
Tricher, copier, à quoi ça sert? Cela n’apporte que des ennuis, des problèmes, de sérieux problèmes puisqu’on peut être exclu de son établissement.
A quoi ça sert? Saura-t-on mieux une leçon? Saura-t-on mieux répondre à une question? Certainement pas puisque tricher trahit une lacune. Comment combler un manque de savoir en jetant un coup d’oeil sur une copie voisine ou en dépliant un minuscule bout de papier coincé dans une trousse?
Tricher, c’est comme se doper pour un sportif et lors d’un contrôle antidopage, c’en est fait d’une carrière. On dira qu’il n’y a pas de contrôle antitriche, on répondra que c’est faux. D’abord, les surveillants, quels qu’ils soient, sont vigilants, ils se doivent de l’être dans une classe pour une interrogation comme dans une salle pour un examen important. Il ne faut jamais oublier qu’un professeur a d’abord été un élève, qu’il a une certaine expérience, aussi ne peut-on le berner, à moins qu’il ne fasse pas attention à ce qui se passe dans sa classe, mais ceci est une autre affaire. Je vous dirai, à vous collégiens et lycéens, qu’un élève qui triche se remarque à son visage. En effet, un élève qui prend la position du penseur, qui fixe celui qui surveille en fronçant les sourcils, qui semble plonger dans des abîmes de réflexion, et qui n’écrit rien....celui-là est peut-être prêt à tricher.
Tricher, se doper, c’est pour être meilleur, le meilleur? Ou alors pour ne pas être nul. Mais à ce moment-là, autant ne pas tricher car ça ne changera pas grand chose. Tricher, alors que l’on sait quelque chose, c’est paradoxal car même les élèves qui savent peuvent tricher.
Pourquoi? On pourra dire que la pratique se répand, que la société dans laquelle nous vivons est laxiste de ce côté, qu’on arrive à ses fins en contournant sans trop de difficultés les règles et les contrôles, “pas vu, pas pris”. On dira ce qu’on voudra. Tricher restera une malhonnêteté. Et puis le jeu n’en vaut pas la chandelle, on dira lui a triché et il a réussi et moi qui n’ai rien fait, je suis derrière lui. Oui, peut-être mais pour combien de temps?
Le tricheur n’est pas un coureur de fond, ses connaissances sont peu solides, au mieux peut-il sauter une haie mais pas l’obstacle final. D’autant plus que l’arbitre a les yeux rivés sur lui. Un peu comme ces joueurs de football qui s’écroulent en pleine surface de réparation en poussant des cris de douleur, se tordant la cheville à cause d’un tacle imaginaire. Le tricheur a une réputation donc il est suspecté et de cela, on s’en remet très difficilement car s’il y a doute, il ne bénéficiera pas au présumé coupable.
Tricher, ce n’est pas grave? Si c’est grave. C’est moralement une faute, pédagogiquement, une déficience et intellectuellement totalement inefficace. Pour paraphraser une réplique de Jean Gabin dans "le Cave se rebiffe", quand on triche, les notes, ça se divisent et les sanctions, ça s’additionnent. Oui, les pressions sont fortes, les parents, les professeurs, l’avenir....oui c’est dur d’obtenir de bons résultats, de décrocher la note lors du contrôle fatal mais rien ne vaut le travail, le travail régulier et assidu, le courage aussi d’affronter les examens avec ses propres armes, ses propres forces sans se mettre en peine de celles des autres, sans choisir la lâche facilité de se servir de ce qui ne vous appartient pas, le travail, c’est ce qui fera la différence au bout du compte.
PS :
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles!
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! Cyrano de Bergerac, Ed. Rostand II, 8
Et
Jocaste : -« Soyez mon fils, soyez l’ouvrage de vos mains » La Thébaide, Racine IV, 3
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